Saisi par un syndicat, le tribunal judiciaire de Nanterre a donné raison, le 10 mars 2021, à l’entreprise qui avait suspendu l’attribution de titres-restaurant aux télétravailleurs.
Bref rappel des faits
Plusieurs sociétés d’une UES attribuaient des titres-restaurant à leurs salariés affectés sur un site qui n’avaient pas accès à un restaurant d’entreprise ainsi qu’aux salariés en télétravail.
Dans le contexte de la pandémie liée à la Covid-19, ces sociétés ont placé la plupart de leurs salariés en télétravail dès le premier confinement de mars 2020 et ont alors cessé d’attribuer des titres-restaurant aux salariés en télétravail.
Une organisation syndicale a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre en soutenant que ces derniers auraient dû bénéficier des titres-restaurants pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leurs horaires journaliers.
Le Tribunal judiciaire de Nanterre n’a toutefois pas retenu cet argumentaire.
NB : A toutes fins utiles, il est précisé que l’attribution de titres-restaurant n’est pas obligatoire selon le Code du travail. La question du droit des télétravailleurs à en bénéficier ne se pose donc que si l’employeur a fait le choix d’en attribuer à ses salariés sur site.
Argumentaire des juges : pas de tickets restaurant en l’absence de situation comparable
À cet égard, les juges du fond ne contestent pas que les télétravailleurs doivent effectivement bénéficier des tickets-restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à ceux travaillant sur site, sans restaurant d’entreprise.
En l’espèce, ils ont toutefois considéré que la situation des télétravailleurs n’était pas comparable avec celle des salariés travaillant dans l’entreprise, les télétravailleurs pouvant se restaurer à leur domicile et éviter ainsi le surcoût d’une restauration prise hors de chez eux.
Le tribunal s’appuie notamment sur l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 concernant le télétravail lequel « ne comporte aucune disposition sur les tickets-restaurants ».
Cette position peut sembler surprenante dès lors que le gouvernement annonçait régulièrement, dès le début du confinement, que les télétravailleurs devaient bénéficier des mêmes droits que les salariés sur site sans apporter la moindre précision à ce sujet.
Dans la dernière version de son question-réponse sur le sujet, le Ministère du travail nuançait néanmoins sa position et se contentait de rappeler que :
- l’article L. 1222-9 du Code du travail prévoit que « Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise » ; et
- lorsque les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes, conformément au principe d’égalité de traitement.
En retenant ce raisonnement, on voit difficilement à quelle occasion les télétravailleurs pourraient être considérés dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site étant rappelé que la majorité d’entre eux exercent leur activité depuis leur domicile (la décision serait-elle la même pour des salariés travaillant depuis un espace de co-working ou un espace professionnel autre…).
A l’instar de la majorité des praticiens du droit social, l’URSSAF n’opérait sur son site Internet aucune distinction selon le lieu de télétravail et indiquait que « si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurants, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite ». Cette position n’a toutefois aucune valeur juridique.
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale (en ligne depuis le 8 mars dernier et opposable à l’administration à compter du 1er avril 2021) adopte une position moins affirmative et précise, au regard des dispositions de l’article 4 de l’ANI du 19 juillet 2005, que lorsque les salariés bénéficient de titres restaurant, il peut en être de même pour les télétravailleurs à domicile.
Cette décision de première instance a déjà fait l’objet d’un appel et doit donc être prise avec toutes les précautions d’usage. Il conviendra d’attendre une éventuelle saisine de la Cour de cassation pour obtenir une position claire à ce sujet.
Source : Tribunal judiciaire Nanterre, 10 mars 2021, n° 20/09616