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Télétravail : pas de retour imposé sans clause de réversibilité !

Alors que la mise en place du télétravail régulier est revendiquée par de nombreux salariés en poste à l’issue de la crise sanitaire, un arrêt récent de la Cour d’appel de Lyon vient rappeler aux employeurs la nécessité de prévoir des règles claires concernant les conditions d’un retour à une exécution du travail sur site.

A défaut de précisions écrites sur le sujet dans l’avenant à son contrat de travail, le refus du salarié de revenir travailler “en présentiel” ne pourra être considéré comme fautif et donner lieu à un éventuel licenciement.

Rappel du cadre légal et conventionnel

Si le télétravail ne fait pas partie des conditions d’embauche, l’employeur et le salarié peuvent, à l’initiative de l’un ou de l’autre, convenir par accord d’y mettre fin et d’organiser le retour du salarié dans les locaux de l’entreprise, dans l’emploi tel qu’il résulte de son contrat de travail. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif. (Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail – Article 2.3.5).

Le Code du travail précise d’ailleurs que l’employeur doit prévoir dans l’accord collectif ou la charte instaurant le télétravail les conditions dans lesquelles il pourra être mis un terme à ce mode d’organisation du travail (C. trav. art. L.1222-9).

Cette clause de réversibilité doit donc envisager les modalités selon lesquelles l’employeur et salarié peuvent modifier ou abandonner le recours à ce mode d’organisation du travail : dans quelles hypothèses, selon quel délai de prévenance et quel formalisme, etc.

En l’absence d’accord collectif ou de charte fixant un cadre collectif commun, ce point est censé être réglé par l’accord formalisé par tout moyen entre l’employeur et le salarié. 

En pratique, l’avenant au contrat de travail ou le simple échange d’emails formalisant le passage en télétravail régulier traite rarement de cette situation.

Quid en l’absence de clause de réversibilité dans l’avenant de passage en télétravail ?

Dans l’affaire en question, une salariée avait négocié la possibilité de travailler depuis son domicile à l’occasion de la naissance de son premier enfant. Un avenant à son contrat de travail avait été régularisé en ce sens et prévoyait plus particulièrement qu’il lui serait accordé “à titre exceptionnel” de travailler à distance.

Un an après son passage en télétravail, son employeur lui demandait de revenir travailler au sein de l’entreprise pour les besoins d’organisation du service en lui laissant un mois de délai de prévenance. Il considérait que le télétravail convenu dans l’avenant était par nature temporaire et réversible.

La salariée refusait cependant de reprendre son poste sur site au motif qu’il s’agissait, selon elle, d’une modification des termes de son contrat de travail soumis à son accord exprès.

Face au refus persistant de la salariée, la Société procédait à son licenciement, lequel a par la suite été reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse par les juges, tant en première instance qu’en appel.

En l’absence de précision dans l’avenant concernant les conditions de réversibilité du télétravail, la Cour d’appel a en effet considéré que l’employeur ne pouvait exiger le retour de la salariée au sein de l’entreprise :

Il n’est apporté au contrat aucune autre précision sur les conditions d’exercice de ce télétravail, notamment sur sa durée et les modalités selon lesquelles il peut y être mis fin et contrairement à ce que soutient l’employeur, le terme ‘exceptionnel’ mentionné dans l’avenant ne signifie pas que les parties ont entendu conférer à cette modalité un caractère provisoire mais seulement que l’employeur a accepté ‘de façon exceptionnelle’ et contrairement à la pratique de l’entreprise, que la salariée exerce son activité en télétravail.

Il s’en déduit en l’espèce que l’employeur ne pouvait modifier cette organisation sans l’accord de la salariée et ce même en présence d’une clause de mobilité stipulée par ailleurs dans le contrat qui n’était pas de nature à influer sur les conditions d’organisation de son travail.

Dès lors, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par le refus du salarié de revenir travailler au sein des locaux “.

Gageons que ce type de contentieux prendra de l’ampleur ces prochaines années avec la mise en place du télétravail régulier dans un nombre grandissant d’entreprises qui vont parfois devoir procéder à des ajustements et solliciter le retour en présentiel de certains salariés pour des questions d’organisation ou de performances.

Vigilance lors de la mise en place du télétravail régulier !

Cet arrêt invite donc clairement les employeurs à faire preuve de la plus grande vigilance à ce sujet lors de la négociation d’un accord collectif, de la préparation d’une charte ou d’un simple échange écrit instaurant le recours au télétravail régulier pour des salariés en poste.

La clause de réversibilité devra être rédigée de manière claire et non équivoque et détailler les situations susceptibles de donner lieu à un retour en présentiel tant pour l’employeur que le salarié sur la base de critères objectifs et pertinents. A titre d’exemples, la réversibilité sollicitée par l’employeur pourrait résulter d’une restructuration de l’entreprise affectant le poste du salarié, d’un changement de poste, de l’absence de conformité du lieu de télétravail aux règles de sécurité à la suite d’un déménagement ou d’un sinistre, d’un non-respect avéré des règles de protection des données par le salarié etc.

Sauf situation d’urgence, un délai de prévenance suffisant devra également être laissé au salarié afin de lui laisser du temps pour s’organiser.

En tout état de cause, il est recommandé de faire expressément référence aux conditions d’une réversibilité du télétravail dans l’avenant au contrat de travail régularisé avec le salarié, y compris lorsqu’elles figurent déjà dans l’accord collectif ou la charte instaurant ce mode d’organisation du travail dans l’entreprise.

Source : CA Lyon 10 septembre 2021, n° 18/08845

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