La Cour de cassation vient apporter, pour la première fois à notre connaissance, une clarification sur l’obligation de consulter ou pas le Comité économique et social (CSE) avant de licencier un salarié déclaré inapte lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail prévoit que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Rappel des obligations de l’employeur en cas d’inaptitude médicalement constatée
A l’issue d’un arrêt de travail dont la durée varie selon l’origine entre 30 et 60 jours (30 jours pour cause d’accident du travail, au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident d’origine non professionnelle depuis avril 2022), l’employeur doit organiser une visite de reprise pratiquée par le médecin du travail.
Cet examen de reprise doit être réalisé le jour de la reprise effective du travail, et au plus tard dans un délai de huit jours suivant cette reprise (article R. 4624-31 du Code du travail).
Si le médecin du travail considère que le salarié n’est pas apte à reprendre son poste en raison de son état de santé, il prononce un avis d’inaptitude et remplit un formulaire à cet effet.
L’employeur doit alors s’efforcer de reclasser l’intéressé en recherchant si un autre emploi, aussi comparable que possible à l’emploi qu’il occupait précédemment, peut lui être proposé au sein de l’entreprise ou, le cas échéant, des entreprises du groupe auquel elle appartient situées sur le territoire français (Art. L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail).
Cette obligation de reclassement impose à l’employeur de se livrer à une recherche de reclassement sérieuse et loyale dans l’entreprise et de l’élargir à d’autres entreprises lorsque l’entreprise appartient à un groupe.
Depuis la Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dite Loi Travail, l’employeur est tenu de consulter au préalable le CSE lorsqu’il formule une proposition de reclassement, quelque soit l’origine de l’inaptitude (professionnelle ou non) du salarié. Précisons qu’il s’agit d’un avis seulement consultatif ne liant pas l’employeur qu’il soit favorable ou défavorable.
La méconnaissance de cette obligation de consultation des élus du personnel par l’employeur a toutefois des conséquences importantes dès que le licenciement prononcé est automatique considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse en cas de contentieux (Cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-11.974).
Si le médecin du travail estime que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il en fait mention expresse dans son avis (Art. L.1226-2-1 et L.1226-10 du Code du travail).
Quid de l’obligation de consulter le CSE en cas de déclaration d’inaptitude avec mention expresse de dispense de reclassement émise par le médecin du travail ?
Cette question faisait débat parmi les praticiens et menaçait la sécurité juridique des procédures de licenciement menées à la suite d’une déclaration d’inaptitude avec dispense expresse de reclassement au regard des décisions divergentes rendues par les juges du fond sur le sujet.
Dans cette affaire, une salariée avait été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à la suite d’un accident du travail, dont l’avis mentionnait : « L‘état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Elle a donc été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par l’employeur, lequel n’a pas jugé utile de consulter le CSE compte tenu de cette dispense expresse par le médecin du travail.
La salariée a, alors, saisi le conseil des prud’hommes en vue de contester la légitimité de son licenciement et de réclamer des dommages et intérêts à défaut de consultation préalable des délégués du personnel. Le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel lui ont donné gain en considérant que les élus du personnel devaient être consultés y compris en l’absence de possibilité de reclassement.
L’employeur s’est alors pourvu en cassation considérant qu’il pouvait s’exonérer de toute obligation préalable de reclassement compte tenu de la mention expresse figurant sur l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail.
Position de la Cour de cassation : pas d’obligation de consultation en cas de dispense expresse de reclassement par le médecin du travail
La Cour de cassation prend en premier lieu soin de rappeler que l’employeur ne peut licencier un salarié pour inaptitude que s’il justifie :
- soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 du Code du travail,
- soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces mêmes conditions,
- soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (Art. L. 1226-10 du Code du travail).
Elle en conclut que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur n’est pas tenu de rechercher un reclassement et n’a donc pas l’obligation de consulter les élus du personnel (aujourd’hui devenu le CSE).
Cette solution met un terme à tout débat sur l’obligation de consultation du CSE en cas de dispense expresse par le médecin du travail et restreint donc les possibilités de contestation par le salarié licencié pour inaptitude.
Source : Cass. soc. 8 juin 2022, n° 20-22500